La grande bouffe
il me semble les entendre dévorer mes chers buis et semer la mort dans mon jardin
je passe de longues minutes à les guetter et à les retirer des plants avec la pince à sucre de ma grand-mère
pour les jeter dans des sachets en papier, les écoeurantes bestioles, saloperies
puis j'appelle le crématoire et mon mari se charge de l'immonde exécution de la sentence
je suis d'abord soufflée, cueillie par le choc, chagrinée
j'ai pensé lutter, en ôter le plus possible à la pince, puis traiter, tailler pour régénérer
mais le combat est perdu d'avance, de plus nous n'habitons pas sur place
les petits papillons reviendront pondre au printemps, ou l'année suivante, c'est fichu, fichu
des heures de lutte pour une inquiétude constante, une souffrance
alors je me suis résolue à tourner la page
j'ai des photos de mon jardin avec ses buis, il va changer de visage
maintenant, j'ai hâte de les couper, de les brûler, et de les remplacer par autre chose